L'histoire des Montbéliardais expatriés

Tourisme de racines, l’histoire de nos lointains cousins est aussi la nôtre !

Au milieu du XVIIIe siècle, la culture de la terre ne suffit plus à nourrir toutes les bouches, surtout dans ce qu'on appelle les « Villages des Bois » (seigneuries d'Héricourt et d'Etobon, déjà rattachées à la France).  De plus, une forte pression religieuse s'exerce dans lesdites seigneuries (on remplace les pasteurs par des curés, il y a des « dragonnades » meurtrières comme à Chagey en août 1740 où les grenadiers du roi chargent la foule en émeute devant le temple).

C'est dans ce contexte qu'un Hollandais du nom de John Dick débarque sur les terres du duc Frédéric Eugène de Montbéliard-Wurtemberg dans les années 1748.

Il a des terres par milliers d'hectares à distribuer (précisément celles prises aux bretons et normands qui viennent d’être chassés manu militari de Nouvelle-Ecosse car de confession catholique = le Grand Dérangement) et la promesse d'un avenir meilleur pour tous ceux qui voudraient bien le suivre.

Ses « recruteurs » et lui vont donc « ensorceler » des milliers de braves gens et provoquer une émigration massive de luthériens européens. Plus de 3000 feront le voyage : des Allemands, des Suisses et quelque 431 luthériens francophones de l'enclave wurtembergeoise de Montbéliard. Leur moyenne d'âge était de 35 ans ; ils étaient fermiers, tisserands, menuisiers, couvreurs en chaume, charretiers, tailleurs de pierre, cordonniers, meuniers, ... Ils vendirent leurs terres et leur maigre patrimoine et firent le plus souvent à pied le voyage jusqu’à Bâle pour remonter le Rhin jusqu’à Rotterdam.

Ce fut un long périple (entre 2 et 3 mois de traversée, via le port de Plymouth en Angleterre) qui pour beaucoup s'acheva par la mort. Selon les archives de Nouvelle-Ecosse, 1 Montbéliardais sur 3 décéda durant la première année de son arrivée : mauvaises conditions d'hygiène lors de la traversée mais aussi rudesse du climat à l'arrivée à Halifax, participation forcée à la construction de la citadelle d’Halifax, promesses mensongères quant à l’installation sur place…

On estime actuellement à plus de 60 000 le nombre d'habitants de la Nouvelle Ecosse (Canada) qui descendraient de colons Montbéliardais.

Une stèle commémorant l’établissement de cette « colonie » montbéliardaise a été érigée à Lunenburg en 1988. Elle porte les noms des 431 montbéliardais arrivés sur le sol canadien entre 1749 et 1752. C’est une référence en matière de généalogie et de mémoire collective.

Ces colons ont contribué à faire de Lunenburg en Nouvelle Ecosse, une ville inscrite aujourd’hui au Patrimoine Mondial de l’Unesco.

La ville de Greensboro en Caroline du Nord (USA) a accueilli en 1749 le montbéliardais Pierre Lorillard qui y a fondé une manufacture de cigarettes. Ses descendants sont encore impliqués dans les plus grandes marques de tabacs américains et un jumelage a été créé en 1964 avec la ville de Montbéliard en souvenir de la « dynastie » des Lorillard.

La communauté mennonite américaine actuelle compte parmi ses membres de nombreux fermiers dont les ancêtres sont partis de Suisse alémanique, ont transité par l’Alsace et le Pays de Montbéliard. Leurs descendants sont à l’origine de la race bovine montbéliarde ! Au total, ce sont environ 1 300 montbéliardais de toutes conditions qui sont partis entre la fin du XVIIIe siècle et la fin du XIXe vers d’autres pays d’Europe dont la Russie et les pays baltes où ils ont fait souche. On retrouve leurs descendants également à Minsk en Biélorussie.